Dienstag, 3. Februar 2009

La philanthropie en ébullition

Les fondations charitables sont très nombreuses dans le monde


Par Etienne Dubuis

La philanthropie devient une mode. C'est une philosophie ou doctrine de vie qui met l'humanité au premier plan. Dans la vie quotidienne, elle se fait remarquer à travers des fondations des riches de plus en plus nombreuses. Après les Etats-Unis, l'idée s'est imposée aussi ici qu'un pays moderne doit disposer d'une société civile fort capable de prendre des initiatives.

La philanthropie est vieille comme la civilisation. L'une de ses figures historiques les plus célèbres en Occident, Caius Cilnius Maecenas, plus connu sous le nom de Mécène, s'est signalé comme protecteur des poètes il y a déjà plus de 2.000 ans. Sa pratique a ensuite varié au gré des époques pour prospérer lorsque les conditions se prêtaient à la constitution de grandes fortunes privées.

Après être entrée dans un nouvel âge d'or au début du XXe siècle aux Etats-Unis, sous l'impulsion de riches industriels comme John Rockefeller et Andrew Carnegie, elle connaît depuis une quinzaine d'années un succès exceptionnel au niveau mondial. Grâce à des Bill Gates et à des Warren Buffett, mais aussi à une myriade d'anonymes.

Les signes de cet engouement ne manquent pas. Les fondations charitables se sont multipliées ces dernières années dans le monde pour passer de 4.000 , en 1997 à 13.000 en 2006, selon l'hebdomadaire britannique «The Economist ».

Les donateurs se montrent aussi de plus en plus généreux. Un rapport publié l'an dernier par la banque Merrill Lynch et la société de conseil Cap Gemini assure que les philanthropes dotés d'une fortune de plus d'un million de dollars ont donné en moyenne plus de sept pour cent de leur argent en 2006 et ceux dotés d'une fortune supérieure à 30 millions une moyenne de dix pour cent.

Des proportions jamais atteintes par le passé. Enfin, Giving USA, le rapport annuel de la philanthropie aux Etats-Unis, estime les donations américaines en 2006 à 295 milliards de dollars, record absolu.

La philanthropie n'a plus à prouver son utilité. Non qu'elle connaisse toujours le succès mais parce qu'elle bénéficie d'avantages comparatifs indéniables. Si l'Etat s'acquitte bien de nombreuses tâches lorsqu'il est convenablement gouverné, il n'en reste pas moins dépendant de processus de décisions complexes et de lourdes mises en oeuvre bureaucratiques.

Face à lui, les donateurs privés jouissent d'une liberté de manoeuvre exceptionnelle , qui les rend infiniment plus rapides et flexibles. «Aux Etats-Unis, où un immense champ leur est laissé, ils assument de nombreuses tâches parallèlement au secteur public», commente Dominique Allard, directeur du Centre de philanthropie à la Fondation Roi Baudoin.

En Europe, ils ont plutôt tendance à devancer l'Etat pour explorer de nouveaux modes d'action. Il ne s'agit plus ici de faire à sa place mais de faire autrement.

Quoi qu'il en soit, l'idée s'est imposée de part et d'autre de l'Atlantique qu'un pays moderne doit disposer d'une société civile fort capable de prendre des initiatives sans être contrôlée à tout moment par un appareil politique.


Effet boule de neige de la fondation de Bill Gates

La pratique bénéficie aujourd'hui de sa notoriété grandissante . «Le mot apparaît de plus en plus dans les journaux et dans les conversations », confirme Dominique Allard, qui évoque un effet «boule de neige»: plus il y a de fondations, plus on en parle, et plus on en parle, plus il s'en crée .

Et puis, certaines initiatives ont eu un impact retentissant. A commencer par la création de la fondation Bill & Melinda Gates en janvier 2000. Dotée de dizaines de milliards de dollars et animée d'une ambition extraordinaire, l 'éradication d'une vingtaine de maladies en une génération, l'institution a aussitôt fait figure de modèle et créé une émulation sans précédent.

«Ils veulent tous être des Gates», jure Olga Alexeeva, ambassadrice de la Charities Aid Foundation auprès de milliardaires non occidentaux.

La méthode a fini par séduire jusqu'aux pays traditionnellement étatistes d'Europe. «Nous avons assisté en France à une mutation de société », confie Odile de Laurens, responsable de l'Observatoire de la Fondation de France.

«Les pouvoirs publics se sont non seulement décidés à donner un surcroît de légitimité aux fondations en en vantant les mérites. Ils ont également encouragé leur multiplication en simplifiant leur création et en les rendant plus attrayantes sur le plan fiscal.»

Le mouvement a été continental. Des réformes législatives diverses ont été introduites à partir de 2000 dans les principaux pays du continent , du Royaume-Uni à l'Allemagne, en passant par la France, l'Italie et l'Espagne . Avec, partout, un même effet: un développement rapide du secteur.

Cette explosion s'accompagne de l'apparition de nouveaux modes d'action. L'usage traditionnel qui consiste à aider des oeuvres ou à créer des fondations en fin de vie, voire post mortem, reste prédominant. Mais il ne représente plus un modèle unique.

Un nombre croissant de donateurs souhaitent participer directement aux opérations. Souvent enrichis à un âge relativement jeune, ils entendent faire valoir leurs compétences d'hommes d'affaires, quand ils ne considèrent pas leur engagement philanthropique comme une seconde carrière . Bill Gates, qui a décidé de distribuer ses biens bien avant d'arriver à la retraite, en est le modèle illustre.

Ces nouveaux philanthropes ont pour référence le mérite. Leurs héritiers ? Warren Buffett, qui s'est engagé à donner la majeure partie de sa fortune à la Fondation Bill & Melinda Gates, a résumé ce qu'il laissait à ses proches en une formule: «Assez pour faire ce qu'ils veulent, mais pas assez pour ne rien faire.» Leurs activités caritatives, ces hommes et ces femmes sont bien décidés à les mener de la même manière.

Non pour se faire plaisir ou pour soulager leur conscience, mais pour changer le monde, ou du moins le faire avancer. Et ils se montrent déterminés à travailler aussi sérieusement à dépenser leur argent qu'ils l'ont fait à le gagner. En s'entourant des conseils les plus avisés et en collaborant avec les organisations de terrain les plus efficaces.

Efficacité: voilà le maître mot. Les nouveaux philanthropes en ont l'obsession. Et pour la jauger, ils se donnent, comme Bill Gates, des buts précis à atteindre dans un laps de temps déterminé. «Leurs prédécesseurs servaient des causes, eux visent des objectifs», résume Etienne Eichenberger , cofondateur du bureau de conseil wise, à Genève.

Pour ce faire, ils n 'hésitent pas à s'aventurer en dehors des sentiers battus, et à préférer les individus aux institutions lorsqu'ils retrouvent chez leur partenaire une même flamme, un même désir de réussite.


Plus difficile de donner de l'argent que d'en gagner

La démarche a de nombreux bons côtés: l'engagement, le sérieux , l'ambition. Elle a aussi son revers: l'impatience. Andrew Carnegie a déclaré un jour qu'il était plus difficile de donner intelligemment de l'argent que d'en gagner.

Dans la même perspective, il faut généralement beaucoup plus de temps pour faire le bien que pour faire fortune. Chercher à obtenir des résultats concrets en un court laps de temps s'avère souvent irréaliste. Et suppose de laisser des champs entiers d'activités, pas assez prometteurs, à l'abandon .
Mais la bienfaisance est un monde. De même que l'engagement des privés complète celui de l'Etat, les méthodes des nouveaux philanthropes complètent celles des anciens. Et il reste de la place pour beaucoup de monde. «Bill Gates mène une action remarquable», insiste Dominique Allard, «mais il est dangereux d'en faire la référence.

Contrairement à ce que son exemple pourrait laisser croire, il n'est pas nécessaire de posséder une immense fortune pour se lancer dans la philanthropie.» Convenablement conseillé , tout un chacun peut soutenir des projets importants avec des économies réunies au cours d'une vie normale de travail. Et se montrer efficace avec ses propres moyens .

* L'auteur est journaliste au «Temps». Il est aussi coordinateur des correspondants de l'étranger de ce journal suisse qui apparait à Genève . «Le Temps» se veut le quotidien de référence de la Suisse romande et francophone.



© saint-paul luxembourg Letzte Aktualisierung: 15-04-2008 15:53

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