Dienstag, 3. Februar 2009

Les entreprises prennent le relais

La nouvelle frontière entre l'Etat et les entreprises


Par Jean-Baptiste Quemener

Les gouvernements n’ont plus le monopole de l‘intérêt général . Les entreprises doivent prendre le relais: par des actions de mécénat , de développement durable, voire de philanthropie. Partout, sur la planète , le mouvement est enclenché. Au Luxembourg aussi, l’idée fait son chemin.

Entreprises et philanthropie - ce sont a priori deux contraires. La philanthropie consiste à se défaire volontairement d’une partie de ses avoirs. Alors que la finalité d’une entreprise consiste au contraire à produire de la richesse. Pourtant, les deux mots sont désormais associés, au milieu de notions proches comme le mécénat, le développement durable, la responsabilité sociétale, le respect de l’environnement…

Ce mélange est une tendance lourde. Elle résulte de plusieurs constats indéniables. D’abord, partout sur la planète, l’état des finances publiques ne permet plus aux gouvernements d’exercer l’ensemble de leurs fonctions traditionnelles.

De plus en plus, des entreprises prennent le relais. Elles se trouvent alors investies de missions de service public (gestion de l’eau, de l’énergie, des transports, des infrastructures, des hôpitaux, de l’éducation, des medias audiovisuels…) Ce faisant, elles se découvrent de nouveaux devoirs : vis-à-vis de leurs clients, de leurs fournisseurs, mais aussi de leurs interlocuteurs publics.

Et puis, voici que cette responsabilité nouvelle se trouve accentuée par l’obligation qui incombe désormais à chaque occupant de la planète de ne plus rien faire qui puisse nuire à nos ressources vitales.


Un supplément d’âme transparaît

Enfin, il y a cette constatation avérée que lorsque l’éthique et le respect sont sincèrement mis en oeuvre, la vie des sociétés s’en trouve changée. Un supplément d’âme transparaît . Or les collaborateurs y sont de plus en plus sensibles. Non seulement les salariés actuels, mais ceux qui seraient susceptibles d’être embauchés.

Cependant, encore faut-il que toutes ces notions soient bien claires dans les esprits . Spécialiste en la matière, Virginie Seghers est consultante en entreprises , après avoir dirigé pendant huit ans, à Paris, l’Admical (Association pour le développement du mécénat industriel et commercial). Cette institution fut longtemps présidée par Jacques Rigaud, notamment lorsqu ’il était p.-d.g. de RTL.

«La philanthropie», reconnaît-elle, n’est pas tellement un mot pour les entreprises. «Le mécénat, en revanche, convient fort bien, puisqu’il accepte la notion de contrepartie. Il reconnaît qu’une entreprise ne peut dépenser d’argent que dans son intérêt bien compris.»

Elle poursuit: «Cela n’empêche pas certaines sociétés de promouvoir la philanthropie. Soit en direction de leurs clients - c’est en particulier le cas des banques - ou de leurs salariés, en les soutenant financièrement dans des actions d’intérêt général.»

De même, l’intégration du développement durable relève d’une autre approche. Désormais, elle est pratiquement une obligation légale. Elle concerne tous les secteurs. Y compris ceux qui pourraient sembler les moins polluants, comme l’industrie financière, par exemple.

«Elle doit pourtant réfléchir au nombre de billets d’avions qu’elle pourrait économiser», illustre la consultante. «Elle doit aussi s ’interroger sur sa responsabilité dans le financement de projets industriels à fort impact sur l’environnement, ou bien sur son rôle dans le blanchiment de l’argent.«


Le mécénat: donner du temps - où d' argent

Le mécénat, au contraire, procède du volontariat. Certes, il peut être fortement encouragé par des incitations fiscales. Tous les gouvernements s’y mettent, même les plus interventionnistes comme la France. Cette dernière s’est dotée d’un dispositif jugé parmi les plus attractifs au monde. De fait, 60 pour cent de l’action est déductible de l’impôt sur les sociétés, voire 80 pour cent quand il s’agit d’acquérir des trésors d’Etat.

Pourtant, l’encouragement financier n’est pas le seul moteur du mécénat . C’est surtout un outil de communication interne et externe. Une entreprise est juridiquement une personne morale. Comme un être, elle a donc des traits de caractère, des valeurs qu’elle souhaite mettre en avant.

Le partage par exemple. Le mécénat permet de le rendre tangible. En effet , il n’y a pas que l’argent que l’on puisse donner. Il y a aussi le temps. Une société peut très bien allouer des heures à ses salariés pour qu’ils aillent assurer du soutien scolaire, visiter les enfants dans les hôpitaux…

Voire monter des ateliers de couture au Mali . Comme l’explique Virginie Seghers, il existe une ONG, dénommée "Congés solidaires". Elle est financée par les entreprises qui y adhèrent. A charge pour l’organisation de détecter des besoins sur la planète et d’y envoyer des salariés volontaires.

Le mécénat permet encore de faire émerger chez les salariés le sentiment d’appartenance à une collectivité. En externe, il traduit l’intégration d’une entreprise dans son environnement local. Il permet d’installer des passerelles avec les dirigeants publics et les élus locaux. En cela, il ressortit de la diplomatie d’entreprise.

Enfin, il favorise l’éclosion de talents au sein d’une équipe . C’est le cas notamment de l’association Aida dans la région de Toulouse. Financée par 40 entreprises, elle soutient les talents vocaux des collaborateurs. Leur chorale est de plus en plus sollicitée par l’Orchestre régional du Capitole.

Toutes ces réalisations sont surtout le fruit de l’imagination. La taille de l’entreprise n’a rien à voir. Une modeste coopérative viticole de la région de Strasbourg fêtait récemment son centenaire.

Plutôt que d’organiser un événement vite oublié, elle a décidé de s’inscrire dans la durée. Elle a fait peindre des étiquettes de bouteilles par des artistes contemporains. Puis elle a organisé des ventes aux enchères, afin que les recettes financent des actions de lutte contre la cécité . Les retombées sont si spectaculaires qu’un musée de la vigne en braille vient d’être inauguré.

Toutes ces réflexions prennent également corps au Luxembourg. Récemment , plusieurs structures ont vu le jour, à l’exemple d’IMS Luxembourg , association sans but lucratif destinée à promouvoir la responsabilité sociétale au sein des firmes du Grand-Duché. Elle compte déjà 24 membres représentant plus de 17.000 salariés.

A côté des six membres fondateurs (Arcelor Mittal, AXA, Dexia-BIL, Kneip, Noble & Scheidecker, PricewaterhouseCoopers ) figurent également Audit & Compliance, Bel Air Partners, Banque de Luxembourg , Banque Pictet & Cie, Dexia Life and Pensions, Fortis Assurances, Gras Savoye, HSBC , Intech, KornFerry Int., KredietBank, LeasePlan, Legitech, Luxair, Randstad, Right Management Consultant, Sodexho et Total.

Comme l’explique son président Christian Scharff, «IMS Luxembourg souhaite être l’interlocuteur de référence en matière de RSE (responsabilité sociale et environnementale). Nous voulons être le rassembleur de politiques d’entreprises responsables auxquelles nous croyons .»

Un exemple concret: pour 2008, IMS souhaite appuyer «After School», un projet tremplin pour l’emploi, un événement sur «l’équilibre vie professionnelle/vie privée pour les femmes».


Des exemples tangibles dans le Grand-Duché

Dans le même temps, sous l’égide de l’Union des entreprises luxembourgeoises, s’est créé l’INDR, l’institut national pour le développement durable et pour la responsabilité sociale des entreprises . Comme l’explique son secrétaire général, Pierre Bley, «nous constatons des actions de responsabilité sociale, de mécénat, de développement durable, dans une acception large. Nous essayons de codifier, structurer ce qui se passe, de mettre en exergue les bonnes pratiques.»

Il poursuit: «Nous avons le sentiment que les efforts des entreprises en faveur de l’intérêt général vont devenir une approche d’excellence de tout ce qu’elles font.» De fait, là non plus, ce n’est pas une question de taille. Certes, dans les grandes entreprises, la fonction est plus structurée. Le mécénat se pratique chez elles sans qu’elles le disent.

Des exemples de démarches philanthropiques sur le territoire luxembourgeois ? Des chercheurs en sciences politiques en ont trouvé en quantités dans une étude récemment publiée. Ils citent notamment les actions menées par la Banque de Luxembourg avec des partenaires comme la Fondation Paint a smile , la Croix-Rouge luxembourgeoise, la Philharmonie Luxembourg, le Musée d’art Moderne Grand-Duc Jean.

Pour sa part, Dexia Banque Internationale a créé un fonds social qui permet aux salariés le remboursement de divers frais, notamment médicaux , l’octroi de primes d’encouragement aux enfants des salariés les plus méritants sur le plan scolaire, l’acquisition d’oeuvres d’art auprès d’artistes luxembourgeois.

Un changement de société s’opère donc. Pour reprendre l’expression de John Kennedy, il ne s’agit plus de se demander ce que la collectivité peut faire pour les sociétés, mais plutôt ce que les entreprises peuvent faire pour la collectivité.

* Journaliste économique à Paris, spécialisé en questions patrimoniales .


© saint-paul luxembourg Letzte Aktualisierung: 15-04-2008 15:52

Keine Kommentare:

Kommentar veröffentlichen